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Le blog de Victor Bonjean

Pourquoi je ne suis pas Chrétien par Bertrand Russel

21 Avril 2013, 17:22pm

Publié par Victor Bonjean

Une traduction par mes soins d'une conférence de cet immense philosophe (et pas eulement philosophe), Bertrand Russell. Je l'ai fait d'enthousiasme mais pas nécessairement avec talent...

 

Conférence donnée à Londres le 8 mars 1927, sous les auspices de la National Secular Society (Société Laïque Nationale).

 

Comme votre président vous l'a dit, le sujet sur lequel je vais parler ce soir est : « Pourquoi je ne suis pas chrétien ». Peut-être serait-il bon, tout d'abord, d’essayer d'élucider ce qu'on entend parle mot « chrétien ». Beaucoup de personnes l'emploient aujourd’hui en !lui donnant un sens assez relâché. Certains l’utilisent pour désigner quiconque s'efforce de mener une existence droite. En ce sens, je crois pouvoir dire qu'il y a des chrétiens dans toutes les sectes et de tous les crédos ; mais je ne pense pas que ce soit là le sens exact du mot, ne serait-ce que parce qu'il impliquerait que tous ceux qui ne sont pas chrétiens - tous les bouddhistes, confucianistes, mahométans, etc.- ne s'efforcent pas de mener une existence droite. Je n'accorde pas spécialement le nom de chrétien à toute personne qui tâche de vivre décemment selon ses lumières. Je suis d'avis qu'on doit entretenir une certaine somme de croyances définies pour pouvoir se dire chrétien. De nos jours, ce terme n'a plus tout à fait la nette signification qu'il possédait à l'époque d'Augustin et de Thomas d'Aquin. En ce temps-là, si un homme se disait chrétien, chacun savait ce qu'il voulait dire. On acceptait toute une série de croyances formulées avec grande précision et l’on croyait à chaque vocable de la formule de toute la force de sa conviction.

 

Q U ' E S T - C E Q U ' U N CHRÉTIEN ?

 

A présent, ce n'est plus tout fait cela. Nous devons donner une signification un peu plus vague à notre expression de «christianisme ». Toutefois, je pense que deux articles de foi distincts sont absolument essentiels à quiconque se qualifie de chrétien. Le premier est de nature dogmatique, à savoir qu'on doit croire en Dieu et à l'immortalité. Si l'on ne possède pas cette double croyance, je ne pense pas qu'on puisse se dire chrétien. Mais, en outre, comme le terme l'implique, on doit avoir une certaine croyance relativement au Christ. Les mahométans, par exemple, croient aussi en Dieu et à l'immortalité et cependant ils ne se disent pas chrétiens. Je pense qu'on doit entretenir la croyance que le Christ fut, sinon divin du moins le meilleur et le plus sage des hommes. Si l'on n'admet pas ce minimum quant au Christ je ne crois pas qu'on ait le moindre droit de se qualifier de chrétien. Naturellement, il y a un autre sens, qu'on trouve exprimé dans les almanachs et les livres de géographie, où il est dit que la population de la terre se divise en chrétiens, mahométans, bouddhistes, fétichistes, etc., et en ce sens, ici, nous sommes tous chrétiens. Les livres de géographie nous prennent tous en bloc, mais en un sens purement géographique que nous pouvons a bon droit laisser de côté. Je considère donc qu'en vous disant pourquoi je ne suis pas chrétien je dois vous expliquer deux choses : d'abord, pourquoi je ne crois pas en Dieu et à l'immortalité ; ensuite, pourquoi je ne pense pas que le Christ ait été le meilleur et le plus sage des hommes, quoique je lui accordé un très haut degré de bonté morale.je ne pourrais pas aujourd'hui adopter une définition aussi élastique du christianisme. Comme je l'ai déjà dit, dans les temps anciens le mot avait une signification plus nette. Par exemple, il comprenait la croyance à l'Enfer. La croyance au feu éternel de l'Enfer fut un article essentiel du credo chrétien jusqu'à une époque qui ni est pas très éloignée de nous. En Angleterre, comme vous le savez, elle a cessé d'être un article de foi essentiel à cause d'une décision du Conseil Privé de la Couronne, décision à propos de laquelle les archevêques de Canterbury et d'York émirent un avis contraire ; mais, en ce pays, notre religion est fixée par une loi du Parlement ; en conséquence, le Conseil Privé pu négliger l'avis de Leurs Grâces et i1 cessa d’être nécessaire de croire à l'Enfer pour être chrétien. Je n'insisterai donc pas sur cet article de foi.

 

L'EXISTENCE DE DIEU

 

Traiter la question de l'existence de Dieu est une grosse affaire et, si je devais essayer de le faire d'une manière adéquate, il me faudrait vous .tenir ici jusqu'à ce que le Royaume des Cieux descendît sur .la terre... Vous m'excuserez donc de la traiter d'une façon quelque peu sommaire. L’Église catholique a posé comme dogme que l'existence de Dieu peut être prouvée par la simple raison. C’est un dogme assez curieux, mais c'est un de ses dogmes. Elle fut obligée de l'établir parce que, à un certain moment, les libres penseurs avaient pris l'habitude de dire qu'il existait tels et tels arguments que la simple raison pouvait avancer contre l'idée de l’existence de Dieu. Mais, naturellement, ce dogme n'était, dans l'esprit de l'Eglise, qu'un adjuvant à l'affirmation de l’existence de Dieu en vertu de la foi. Les arguments des libres-penseurs furent développés avec beaucoup de détails et l'Église catholique éprouva la nécessité de mettre obstacle à cette discussion. Elle posa donc en principe que l'existence de Dieu pouvait être prouvée parla simple raison et elle se trouva dans l'obligation de formuler ce qu’elle considérait comme des arguments pour la prouver. II y en a une quantité, mais il me suffira d'en prendre seulement quelques-uns.

 

L'ARGUMENT DE LA CAUSE PREMIERE

 

Peut-être le plus simple et le plus facile à saisir est-il l'argument de la cause première. L’Église soutient que tout ce que nous voyons en ce monda aune cause et qu'en remontant la chaîne des causes on doit arriver à une cause première : à cette cause première, elle donne le nom de Dieu. Cet argument, il me semble, n'a plus grand poids aujourd’hui, d’abord parce que l'idée de cause n'est plus à présent tout à fait ce qu’elle était autrefois. Les philosophes et les scientistes ont approfondi cette idée, qui m'a plus rien de sa vitalité de jadis ; mais, en dehors de ce fait, on peut se rendre compte que l'argument selon lequel il doit y avoir une cause première est sans valeur. Lorsque j'étais jeune homme et que je méditais avec grand sérieux sur ces sortes de questions, j'ai longtemps admis l'argument de la cause première ; Mais un jour, à l'âge de dix-huit ans, je lus l'Autobiographie de Stuart Mill et j'y trouvai ce passage : « Mon père m'apprit que la question : Qui m'a créé ? ne peut recevoir de réponse, puisqu'elle suggère immédiatement la nouvelle question : Qui a créé Dieu ? ». Cette simple phrase me montra le caractère fallacieux de l'argument de la cause première. Si tout doit avoir une cause, alors Dieu doit avoir une cause. S’il peut y avoir quelque chose sans cause, il peut aussi bien se faire que ce soit l'univers plutôt que Dieu, de sorte que cet argument est dénué de valeur. I1 est exactement de la même nature que la manière de voir de l'Indien : l'univers repose sur un éléphant et l'éléphant repose sur une tortue. Et quand on demandait à l'Indien : « Et la tortue, sur quoi repose-t-elle ? », il répondait : « Dites donc, si nous parlions d'autre chose ? ». L'argument ne vaut réellement pas davantage. Il m'y a pas de raison pour que l'univers ne soit pas venu à l'existence sans cause ; pas plus, d'ailleurs, qu'il n'y a de raison pour qu'il n'ait pas toujours existé. Il n'y a aucune raison de supposer que l'univers ait eu un commencement quelconque. L'idée que les choses doivent avoir eu un commencement est due en réalité à la pauvreté de notre imagination. Il me semble donc que je n'ai pas besoin de perdre plus de temps sur l'argument relatif à la cause première.

 

L'ARGUMENT DE LA LOI NATURELLE

 

Ensuite, l'Église tire de l'idée de loi naturelle un argument très commun. Ce fut un des arguments favoris du dix-huitième siècle, spécialement dû à l'influence d'Isaac Newton et de la cosmogonie. En observant les planètes qui tournaient autour du soleil selon la loi de gravitation, on pensa que Dieu avait donné à ces planètes l'ordre de se mouvoir de cette manière particulière et que telle était la raison de leur mouvement. C'était là, évidemment, une explication aussi commode que simpliste et qui épargnait l'ennui de rechercher plus loin une explication de la loi de gravitation. De nos jours, on explique la loi de gravitation d'une façon assez complexe qui a été introduite par Einstein. Mon intention n'est pas de vous donner ici une conférence sur la loi de gravitation telle que l'interprète Einstein, car cela aussi nous prendrait un certain temps ; en tout cas, nous n'avons plus la sorte de loi naturelle que nous possédions avec de système de Newton, où, pour une raison que personne ne pouvait comprendre, la nature se comportait partout d'une façon uniforme. Nous découvrons à présent que beaucoup de choses que nous tenions pour des lois naturelles n'étaient en réalité que des conventions humaines. On sait que même dans les profondeurs les plus reculées des espaces interstellaires il y a encore dix décimètres dans un mètre. C'est sans aucun doute un fait très remarquable, mais il serait difficile de le qualifier de loi naturelle. Et un grand nombre de choses qu'on regardait comme lois naturelles sont de cette sorte. D'autre part, dans les cas où l'on peut parvenir à connaître la manière dont se comportent les atomes, on découvre qu'ils sont beaucoup moins assujettis au fait de loi qu'on ne le pensait, et que les lois auxquelles on arrive sont des moyennes statistiques exactement de l'espèce que manifesterait le hasard. II existe une loi selon laquelle si l'on jette des dés, on n'obtient des doubles six qu'une fois environ sur trente-six coups de dés, et cependant on ne considère pas cela comme une preuve que la chute des dés soit réglée par un dessein. En ce qui concerne les lois de la nature, bon nombre sont de cette sorte. Ce sont des moyennes statistiques telles qu’elles se dégageraient des lois du hasard ; et cela rend toute cette affaire de loi naturelle beaucoup moins impressionnante qu'elle né l'était autrefois. En dehors de ce que je viens de dire et qui s'applique à un état momentané de la science susceptible de changer demain, l'idée que les lois naturelles impliquent l'existence d'un législateur suprême est due à une confusion entre les lois naturelles et les lois humaines. Les lois humaines sont des commandements faits à l'individu vivant en société d'avoir à se comporter d'une certaine manière, et il peut choisir de se comporter de cette manière ou autrement. Mais les lois naturelles, elles, sont une description de la manière dont, en fait, les choses se comportent ; et comme elles ne sont qu'une simple description de ce que font effectivement les choses, on ne peut arguer qu'il y ait quelqu'un qui ait ordonné aux choses de le faire. Car, même en supposant qu'il en ait été ainsi, on se trouve ensuite en présence de la question : « Pourquoi Dieu a-t-il justement émis ces lois naturelles et non d'autres ? » Si l'on répond qu'il l'a fait simplement selon son bon plaisir et sans aucune raison, on découvre alors qu'il y a quelque chose qui n'est pas assujetti à la loi, et ainsi le cours de la loi naturelle est interrompu. Dans le cas où l'on répondrait, comme le font des théologiens plus orthodoxes, que dans toutes les lois que Dieu a promulguées il avait une raison pour émettre ces lois plutôt que d'autres,-1a raison étant, bien entendu, de créer le meilleur univers, quoique, à contempler ce dernier, vous n'eussiez jamais supposé cela, -alors, Dieu lui-même était assujetti à la loi et en conséquence on ne tire aucun avantage du fait d'avoir introduit Dieu comme intermédiaire dans l'affaire : on se trouve devant une loi extérieure et antérieure aux édits divins et Dieu ne sert pas l'objet recherché puisqu'il n'est pas le suprême législateur. Bref, cet argument de la loi naturelle n'a plus rien qui ressemble à sa puissance de jadis. Je parcours le temps en passant en revue ces arguments, car les arguments que l'Église emploie pour prouver l'existence de Dieu changent de caractère à mesure que le temps s'écoule. Ce furent d'abord de rigides arguments intellectuels donnant corps à des sophismes bien définis. A mesure qu'on arrive aux temps modernes, ils deviennent intellectuellement moins estimables et sont de plus en plus affectés d'une sorte d'indéfinité moralisante.

 

L'ARGUMENT FINALISTE

 

L'étape suivante dans notre marche est l'argument finaliste. Il est bien connu : tout dans l'univers a été créé exactement afin que nous puissions y vivre et si l'univers était tant soit peu différent de ce qu'il est nous ne le pourrions pas. Il prend parfois des formes amusantes. On prétend, par exemple, que le lapin a la queue blanche afin qu'il soit plus facile à tirer. J’ignore ce qu'en pensent les lapins. C'est un argument qui prête aisément à 1a parodie. On connaît la remarque de Voltaire, que, de toute évidence, le nez a été fait tel qu'il est dans le dessein qu’il s'adapte aux lunettes. Cette sorte de parodie a perdu un peu de la saveur qu'elle avait au dix-huitième siècle, à cause de ce que, depuis l'époque de Darwin, nous comprenons beaucoup mieux pourquoi les êtres vivants sont adaptés à leur milieu. Ce n'est pas que leur milieu ait été fait à leur intention, mais qu'ils se développent pour se faire à leur milieu. Telle est la base de l'adaptation. Il n'y a en cela aucun témoignage de dessein, de finalité. Si l'on approfondit cet argument finaliste, on arrive à grandement s'étonner que des gens puissent croire que cet univers, avec tout ce qu'il contient, avec tous ses défauts, soit le meilleur que l'omnipotence et l'omniscience aient été capables de produire en des millions d'années. Quant à moi, je ne puis réellement pas le croire. Pensez-vous que, si vous étiez omnipotents et omniscients et disposiez de millions d'années pour parfaire votre univers, vous ne pourriez rien produire de mieux que le Ku-Klux-Klan, les Fascistes et M. Churchill ? Vraiment, je ne suis guère impressionné par les gens qui s'écrient : « Mais regardez-moi donc ! Je suis un si magnifique produit qu'il doit y avoir un dessein dans l'univers.» Non, je ne suis guère impressionné par la magnificence de ces gens là ! Et mon opinion est que cet argument finaliste est d'une extrême indigence. Au surplus, si l'on accepte les lois scientifiques ordinaires, on est conduit à penser que la vie en général - et la vie humaine en particulier - s'éteindra à un moment donné. La vie n'est qu'un éclair dans l'éternité. C'est une étape dans le déclin du système solaire. A un certain degré de ce déclin, la condition de température et diverses autres conditions nécessaires à la naissance du protoplasme règnent et la vie s'épanouit pour une courte période de l'existence du système solaire. On peut voir dans la lune l'état vers lequel tend la terre, quelque chose de mort, de froid, d'inanimé. J’ai entendu dire que cette perspective était déprimante, et des gens viennent parfois nous conter que s'ils la croyaient fondée il leur serait impossible de continuer à vivre. N'en croyez rien : c'est pure absurdité. Personne ne se tracasse vraiment au sujet de ce qui arrivera dans des millions d'années. Même s'ils pensent réellement ce qu'ils disent, les gens en question ne font que se tromper eux-mêmes : ils se montent le coup ! Ils sont tourmentés par des choses beaucoup plus mondaines, peut-être par une mauvaise digestion, tout simplement ; mais personne n'est rendu sérieusement malheureux par la pensée qu'un accident va arriver à notre univers dans des millions et des millions d'années. Donc, quoique ce soit évidemment envisager tristement l'avenir que de supposer que la vie s'éteindra un jour, - du moins j'imagine que nous pouvons le dire, quoique parfois, quand j'observe l'usage que les humains font de leur existence, je pense que c'est presque une consolation, - ce n'est pas une prophétie de nature à rendre la vie misérable. Son effet est simplement de diriger votre attention vers d'autres objets.

 

LES ARGUMENTS MORAUX EN FAVEUR DE LA DIVINITÉ

 

Maintenant, nous atteignons une nouvelle étape avec ce que j'appellerai la descendance intellectuelle que les théistes ont opérée dans leurs argumentations. Nous arrivons à ce qu'on désigne comme arguments moraux en faveur de l'existence de Dieu. On sait qu'il existait dans les temps anciens trois arguments intellectuels en faveur de l'existence de Dieu, qui tous trois ont été démolis par Emmanuel Kant dans sa Critique de la Raison pure ; mais à peine eut-il anéanti ces arguments qu'il en inventa un autre, un argument moral, et cela le convainquit immédiatement. II était comme beaucoup d'hommes : en matière intellectuelle, c’était un sceptique, mais en morale il croyait implicitement aux maximes dont il avait été imbu -sur les genoux de sa mère, - une illustration de ce que les psychanalystes font souvent ressortir : que nos toutes premières associations d'idées exercent sur nous une influence immensément plus puissante que celles de notre existence plus récente. Kant, disais-je, inventa un nouvel argument en faveur de l'existence de Dieu, argument qui, sous diverses formes, fut extrêmement populaire durant le dix-neuvième siècle. L'une de ces formes consiste en l'affirmation que si Dieu n'existait pas il n'y aurait ni bien ni mal. Je ne veux pas, pour le moment, rechercher s'il y a au non une différence entre le bien et le mal : c'est une autre question. Le point qui m'intéresse est le suivant. Si l'on est tout â fait sûr qu'il y a une différence entre le bien et le mal, la question se pose : Cette différence est-elle due ou non à un commandement de Dieu ? Si elle est due à un commandement de Dieu, alors pour Dieu lui-même il n'y a pas de différence entre le bien et le mal, et l'assertion que Dieu est bon n'a plus de sens. Si vous dites, comme le font les théologiens, que Dieu est bon, vous devez alors reconnaître que le bien et le mal ont un sens indépendant du commandement de Dieu, parce que les commandements de Dieu sont bons et non mauvais indépendamment du simple fait qu'il les a faits. Si vous reconnaissez cela, vous devez dire ensuite que ce n'est pas par Dieu seul que le bien et le mal existent, mais qu'ils sont par essence logiquement antérieurs à Dieu. Il va sans dire que vous pourriez, si cela vous faisait plaisir, dire qu'une divinité supérieure a donné des ordres au Dieu qui créa notre monde ; ou bien il vous serait loisible de vous engager dans l'interprétation qu'adaptèrent certains gnostiques - une interprétation que j'ai souvent jugée fort plausible - : qu'en fait ce fut le Diable qui créa ce monde à un moment où Dieu était distrait !Il y a beaucoup à dire en faveur de cette hypothèse et je n'ai aucun désir de la réfuter...

 

L'ARGUMENT DU REMÈDE A L'INJUSTICE

 

II y a un autre argument moral, d'une forme curieuse, selon lequel l'existence de Dieu est nécessaire à l'instauration de la justice dans le monde. Dans la partie de l'univers que nous connaissons, l’injustice est florissante : souvent les bons souffrent et souvent les méchants prospèrent, et il est difficile de savoir lequel de ces deux faits est le plus révoltant. Si vous. voulez avoir la justice dans tout l'univers, il vous faut supposer une existence future pour réparer les torts de l'existence terrestre et en conséquence un Dieu est nécessaire, ainsi qu'un Paradis et un Enfer pour qu'enfin règne la justice. C'est un fort amusant argument. Si l'on considère la chose d'un point de vue scientifique, on dira: « En somme, je ne connais que ce monde-ci. Je ne sais rien du reste de l'univers, mais, pour autant qu'on puisse raisonner sur des probabilités, en prenant comme exemple ce monde où l'injustice règne, il y a beaucoup de chances pour qu'elle sévisse aussi ailleurs.» Supposez que vous receviez une caissette d'oranges et que toutes celles de la première couche soient mauvaises, vous n'irez pas dire : Celles qui sont en dessous doivent être bonnes, à titre de compensation. » Vous direz : « Tout l'envoi doit être mauvais. » C'est là, en réalité, ce qu'une personne d'esprit scientifique pensera au sujet de l'univers. Elle dira : « Nous trouvons ici, en notre monde, une immense somme d'injustice ; ce nous est une raison de supposer que la justice ne règne pas dans l'univers ; et cela nous fournit un argument moral contre l'existence d'une divinité et non en sa faveur. »Naturellement, je n'ignore pas que les arguments intellectuels dont je vous ai entretenus jusqu'ici ne sont pas de ceux qui inspirent la grande masse des croyants. Ce qui les porte à croire en Dieu n'a absolument rien à faire avec l'intellect. La plupart croient en Dieu parce qu'on leur a enseigné à y croire dès leur plus tendre enfance ; c'est la raison principale de leur croyance. Je pense que la raison la plus puissante qui vient ensuite est le désir de la sécurité, donnant naissance à une sorte de sentiment qu’il y a quelque part un grand frère qui s'occupera de voua. Cela joue un rôle très important dans la genèse de la croyance en Dieu.

 

LE CARACTÈRE DU CHRIST

 

Je voudrais à présent dire quelques mots sur un sujet qui, à mon avis, est insuffisamment traité par les rationalistes, à savoir : si le Christ fut le meilleur et le plus sage des hommes. On considère généralement que nous devrions tous admettre qu'il fut tel. Pour ma part, je ne l'admets pas. Sur beaucoup de points, je suis d'accord avec lui, et cela d'une manière plus ferme que ceux qui professent le christianisme. Je ne sais si je pourrais l'accompagner jusqu'au bout de la route, mais ce que je sais bien, c'est que je pourrais aller avec lui beaucoup plus loin que ne le font la plupart de ceux qui se disent chrétiens. II disait : « Ne résiste pas au mal, mais à quiconque te frappe sur la joue droite, présente aussi l'autre.» Ce n'était ni un nouveau précepte, ni un nouveau principe. Ce fut dit par Lao-Tseu et par Bouddha quelque 500 ou 600 ans avant le Christ, mais, ce n'est pas un principe positivement accepté des chrétiens ! Je ne mets pas en doute la sincérité des sentiments chrétiens de notre Premier Ministre, par exemple, mais je ne conseillerais personne d'entre vous d'aller le frapper sur la joue. Je crois que vous constateriez alors que, dans sa. pensée, ce texte doit être pris dans un sens figuré...Il y a un autre point que je trouve excellent. Le Christ disait : «Ne jugez point, afin que voua ne soyez point jugés: » Je ne crois pas que vous découvriez que ce principe jouisse d'une grande popularité auprès des tribunaux des pays chrétiens. J'ai connu au cours de mon existence un grand nombre de juges qui étaient de très zélés chrétiens, et cependant aucun d'eux n'avait le sentiment d'agir à l'encontre des principes chrétiens dans l'exercice de ses fonctions. Le Christ disait encore : « Donne à celui qui te, demande et ne te détourne point de celui qui veut emprunter de toi. » C'est un très bon principe. Votre président vous a rappelé tout à l'heure que nous n'étions pas réunis pour parler politique, mais je ne puis m'empêcher de faire remarquer que la plateforme des dernières élections générales consistait en la question de la désirabilité de se détourner de celui qui veut emprunter quelque chose, de sorte qu'on doit supposer que le parti libéral et le parti conservateur de ce pays sont composés de gens qui ne sont pas d'accord avec l'enseignement du Christ, car ils se sont certainement détournés avec énergie dans cette circonstance. Il est une autre maxime du Christ qui, il me semble, est loin d'être vide et qui, je le constate, n'est guère goûtée de certains de nos chrétiens. Il disait : « Si tu veux être parfait, vends ce que tu as et donne le produit de cette vente aux pauvres. » C'est une maxime excellente, mais, je le répète, peu pratiquée. Voilà donc de bons préceptes, quoiqu'il soit un peu difficile de vivre selon eux. Je n'ai pas la prétention de vivre selon eux moi-même; mais, après tout, ce n'est pas dans ma ligne. Pour un chrétien, toutefois, il en va différemment.

 

DÉFAUTS DE L'ENSEIGNEMENT DU CHRIST

 

Ayant reconnu l'excellence de ces maximes, j'arrive à certains points à propos desquels je ne crois pas qu'on puisse admettre soit la sagesse suprême, soit la suprême bonté du Christ tel qu'il est dépeint dans les Évangiles. Et ici je puis dire que je laisse de côté la question de l'historicité du Christ. Historiquement, il est extrêmement douteux que le Christ ait jamais existé ; mais, au cas où il aurait existé, nous ne savons rien à son sujet de sorte que je ne m'intéresse pas à la question historique, qui est excessivement difficile à résoudre. Je m'intéresse au Christ comme il apparaît dans les Évangiles, en prenant telle quelle la narration évangélique ; or, on y trouve certaines choses qui me semblent guère sages. Par exemple, le Christ était convaincu que sa seconde venue se produirait dans une apothéose avant la mort de tous les gens qui vivaient à cette époque. Un grand nombre de textes le prouvent. Il disait, entre autres choses : « Je vous dis en vérité que vous n'aurez pas achevé d'aller par toutes les villes d'Israël, que le Fils de l'homme ne soit venu. » Et aussi « Je vous dis en vérité qu’il y en a quelques-uns de ceux qui sont ici présents, qui ne mourront point qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme venir en son règne » ; et il y a une quantité de lieux où il est très évident qu'il croyait que sa seconde venue se produirait durant l'existence de beaucoup de ceux qui vivaient alors. Telle était la croyance de ses premiers fidèles et ce fut la base de beaucoup de ses enseignements moraux. Quand il disait : « Ne prenez point souci du lendemain » et autres choses de ce genre, c'était en grande partie parce qu'il pensait que sa seconde venue était très proche et que les affaires mondaines ordinaires ne comptaient pas. J’ai connu personnellement des chrétiens qui croyaient que le retour du Christ était imminent. J'ai connu aussi un pasteur qui épouvantait ses ouailles en leur annonçant ce retour comme étant sur le point de se produire ; il est vrai qu'elles se consolaient ensuite en voyant leur pasteur planter des arbres dans son jardin. Les premiers chrétiens crurent réellement à l'imminence de cet événement et ils s'abstinrent d'actes analogues à la plantation d'arbres dans les jardins, parce qu'ils partageaient la croyance du Christ à la proximité de sa seconde venue. En ce sens, il est clair qu'il n'était pas aussi sage que d'autres gens et l’on peut dire qu'il ne fut pas suprêmement sage.

 

LE PROBLÈME MORAL

 

Nous abordons maintenant les questions morales. Il y a, selon moi, un défaut très important dans le caractère moral du Christ, et c'est sa croyance à l'Enfer. Pour ma part, je me refuse à admettre qu'une personne ayant des sentiments profondément humains puisse croire au châtiment éternel. Il est certain que le Christ, tel qu'il est dépeint dans les Évangiles, crut au châtiment éternel et en maints passages de ces livres on trouve exprimée sa fureur vindicative contre ceux qui ne voulaient pas écouter ses sermons, une attitude assez fréquente chez les prédicateurs, mais qui met obstacle à leur suprême excellence. C'est une attitude que l’on ne trouve pas, par exemple, chez Socrate. Il faisait preuve de douceur et d'urbanité en. vers les gens qui ne voulaient pas l'écouter; et il est, à mon avis, beaucoup plus digne d'un sage d'adopter cette ligne de conduite que d'épouser celle de l'indignation. Vous vous souvenez probablement tous des propos que tint Socrate au moment de sa mort et des paroles qu'il adressait à ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui. Selon les Évangiles, le Christ disait : « Serpents, race de vipères, comment éviterez-vous le jugement de la géhenne ? » Ces reptiles étaient tout simplement les gens qui n'aimaient pas ses prédications. Il ne me semble pas que ce soit du meilleur goût. Et l’on trouve dans les Évangiles beaucoup de discours similaires au sujet de l'Enfer. N'oublions pas le texte bien connu relatif au péché contre le Saint-Esprit : « Quiconque aura blasphémé contre le Saint-Esprit n'en obtiendra jamais le pardon, mais il sera sujet â une condamnation éternelle. » Ce texte a engendré une indicible somme de souffrance dans le monde, car toutes sortes de gens se sont imaginé avoir commis le péché contre le Saint-Esprit et ont vécu avec l'idée que cela ne leur serait pardonné ni en ce monde ni dans « l'autre ». Je suis persuadé qu'un homme doué d'une juste mesure de bonté n'aurait pas suscité dans le monde de craintes et terreurs de cette sorte. Le Christ disait encore : « Le Fils de l'homme enverra ses anges, qui ôteront de son royaume tous les scandales et ceux qui font l'iniquité ; et ils les jetteront dans la fournaise ardente ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents, » Et il continuait sur ce, dernier thème, qui revient verset après verset dans les Évangiles. Il est manifeste pour le lecteur que le Christ éprouvait un certain plaisir à prévoir ces pleurs et grincements de dents ; autrement, ce passage ne se répéterait pas si souvent. Vous n'avez certainement pas oublié la parabole des brebis et des boucs et la manière dont, à sa seconde venue, il séparera les brebis des boucs et dira à ceux-ci: « Retirez-vous de moi, maudits, et allez dans le feu éternel. » Et il continue, quelques versets plus loin : « Et ceux-ci s'en iront aux peines éternelles. »Puis il disait : « Si, ta main ou ton pied te fait tomber dans le péché, coupe-les et jette-les loin de toi ; car il vaut mieux que tu entres boiteux ou manchot dans la vie que d'avoir deux pieds ou deux mains et d'être jeté dans le feu éternel. » Cela, il le répète aussi à diverses reprises. Je dois dire ce que je pense de cette doctrine suivant laquelle le feu de l'Enfer est le châtiment du péché. C'est une doctrine de cruauté. C'est une doctrine qui a apporté la cruauté au mande et une cruelle torture aux générations humaines ; et le Christ des Evangiles, si on l'admet tel que ses chroniqueurs le représentent, doit absolument être considéré comme en partie responsable de ce fait. Il y a d'autres tares, quoique de moindre importance, dans l'enseignement du Christ. Par exemple, l'histoire des pourceaux gadamériens relatée par Matthieu et par Marc. Ce ne fut certainement pas un acte de bonté de sa part envers les pourceaux que de faire entrer les démons en eux, causant ainsi la chute des pauvres bêtes dans la mer où elles se noyèrent. Il était omnipotent; i1 eût pu chasser les démons, tout simplement ; mais il choisit de les envoyer dans les pourceaux. L'histoire du figuier, qui m'a toujours laissé perplexe, ne vaut pas mieux. Vous n'ignorez pas ce qui arriva au figuier. Selon Marc : « Comme ils sortaient de Béthanie, il [Jésus] eut faim. Et, voyant de loin un figuier qui avait des feuilles, il y alla pourvoir s'il y trouverait quelque chose ; et, s'en étant approché, il n'y trouva que des feuilles ; car ce n'était pas la saison des figues. Alors Jésus, prenant la parole, dit au figuier: Que jamais personne ne mange de ton fruit. Et ses disciples l'entendirent... Et le matin, comme ils passaient, ses disciples virent le figuier séché jusqu'aux racines. Alors Pierre, s’étant souvenu de ce qui s'était passé, lui dit : Maître, voilà le figuier que tu as maudit, qui est séché. » C'est une drôle d'histoire, étant donné que ce n'était pas le moment de l'année où les figuiers portent des figues et qu'en bonne justice on ne pouvait blâmer l'arbre en aucune manière. Non, réellement, je n'ai pas le sentiment qu'en matière de sagesse ou en matière de bonté, le Christ soit aussi grand que certains autres personnages connus de l'Histoire. Je crois qu'à ce double point de vue je placerais Bouddha et Socrate au-dessus de lui.

 

LE FACTEUR ÉMOTIONNEL

 

Comme je l'ai déjà dit, je ne pense pas que la vraie raison pour laquelle des gens acceptent une religion ait quoi que ce soit affaire avec le raisonnement. Ils acceptent la religion en vertu de motifs émotionnels. J’ai souvent entendu dire qu'il est très mauvais d'attaquer la religion, parce que la religion rend les hommes vertueux. Un me l'adit, mais je ne l'ai jamais remarqué. Dans Erewhon revisited de Samuel Butler, on trouve une bien amusante parodie de cet argument. Vous vous souvenez que dans Erewhon un certain Higgs arrive en un pays lointain et qu'après y avoir séjourné quelque temps il s'enfuit en ballon. Vingt ans plus tard, il visite de nouveau ce pays et y trouve une nouvelle religion dans laquelle on l'adore sous l'appellation de « Fils du Soleil » et selon laquelle il est monté au ciel. Il arrive la veille du jour où les Erewlroniens vont célébrer la fête de l'Ascension et entend les professeurs Hanky et Panky se dire l'un à l'autre qu'ils n'ont jamais vu le fameux Higgs et qu'ils espèrent bien ne jamais le voir. Ce sont les grands prêtres de la religion du Fils du Soleil. Indigné, il les aborde et leur dit : « Je vais dénoncer toute cette charlatanerie et informer le peuple d'Erewhon que Higgs n'était que ma modeste personne et que je suis tout simplement monté en ballon. » Mais ils lui répondent : « Vous ne devez pas faire ça, car la moralité du pays dépend de ce mythe et si un jour les Erewhoniens apprenaient que vous n'êtes pas monté au ciel, ils deviendraient tous méchants. » Les deux compères persuadent si bien Higgs de cette nécessité qu'il s'en va sans rien dire. Voilà donc l'idée : nous serions tous méchants si nous ne restions pas attachés à la religion chrétienne. Cependant, il me semble que les gens qui y sont restés attachés ont été pour la plupart extrêmement méchants. On peut constater ce fait curieux, que plus intense a été la religion d'une période et plus profonde la croyance au dogme, plus grande a été la cruauté et pire l'état des choses. Dans les siècles de foi, alors que les hommes croyaient réellement à la religion chrétienne dans toutes mes affirmations, l’Inquisition a sévi avec toutes ses tortures, des millions de malheureuses femmes ont été brûlées comme sorcières et toutes sortes de cruautés ont été pratiquées sur toutes sortes de gens au nom de la religion. Si l'on considère le monde entier, on découvre que chaque progrès dans les sentiments, si minime soit-il, chaque amélioration du code criminel, chaque pas fait vers la diminution des guerres, chaque mesure prise pour l'adoucissement de l'esclavage, bref chaque progrès moral qui a été réalisé dans le monde a eu contre lui l'opposition incessante des Églises organisées du monde entier, Je le dis après mûre réflexion : la religion chrétienne, telle qu’elle est organisée dans ses Églises, a été et est encore le principal ennemi du progrès moral dans le monde.

 

COMMENT LES ÉGLISES ONT RETARDE LE PROGRES

 

Peut-être pensera-t-on que je vais trop loin en disant qu'il en est encore ainsi. Ce n'est pas du tout mon opinion. Prenons un exemple. Vous me pardonnerez de choisir celui-là. Ce n'est pas un fait agréable à citer, mais ce sont les Églises qui m'obligent à citer des faits déplaisants. Supposons qu'en notre monde d'aujourd’hui une jeune fille inexpérimentée épouse un syphilitique. En ce cas, l'Église catholique dit : « Le mariage est un sacrement indissoluble. Vous devez rester ensemble jusqu'à la mort », et aucune mesure préventive, de quelque sorte qu'elle soit, ne doit être prise par cette femme pour éviter de donner naissance à des enfants syphilitiques. C'est là ce que l'Eglise catholique dit. J'affirme que c'est une cruauté inique. Nul être humain dont la puissance de sympathie n'a pas été pervertie par le dogme, ou dont la nature. morale n'est pas absolument morte à tout sentiment de la souffrance d'autrui, ne saurait soutenir qu'il est juste et convenable qu'un tel état de choses continue. Ce n'est là qu'un exemple. Mais il est bien d'autres manières en lesquelles, à l'époque présente, l'Église, par son insistance sur ce qu’il lui plait d'appeler « moralité », inflige à toutes sortes de gens des souffrances imméritées et sans nécessité. Et, naturellement, elle est aussi en majeure partie l'adversaire du progrès, de l'amélioration en toutes les voies où l'on s'efforce de diminuer la souffrance du monde, parce qu'elle a choisi d'étiqueter comme « moralité » une certaine série de mesquines règles de conduite qui n'ont rien de commun avec le bonheur humain. Mais quand on lui parle de la nécessité de faire telle ou telle chose parce que cette chose contribuerait au bonheur de l'humanité, elle objecte que cette fin est étrangère à celle qu'elle poursuit: « Qu'est-ce que le bonheur humain a à faire avec la morale? L'objet de la morale m'est pas de rendre les hommes heureux, mais de les rendre aptes à la vie céleste. » Mais cela semble certainement les rendre inaptes à la vie terrestre.

 

LA CRAINTE, FONDEMENT DE LA RELIGION

 

La religion est basée d'abord et principalement sur la crainte. Elle est basée en partie sur la terreur de l'inconnu et en partie, comme je l'ai dit, sur le désir de sentir qu'on a une sorte de grand frère qui se mettra de votre côté dans tous vos ennuis et toutes vos disputes. La crainte est le fondement de tout 1e système: crainte du mystérieux, crainte de la défaite, crainte de la mort. Or la crainte est la mère de la cruauté et en conséquence il n’y a pas à s'étonner que la cruauté et la religion aient toujours marché la main dans la main. La crainte est à la base de l'une et de l'autre. En notre monde, nous pouvons à présent commencer à comprendre un peu les choses et à les maîtriser un peu, grâce à la science, qui a forcé sa voie pas à pas, malgré la religion chrétienne, malgré les Églises, malgré l'opposition de tous les vieux préceptes. La science peut nous aider à surmonter cette lâche crainte dans laquelle l'humanité a vécu pendant tant de générations. La science peut nous enseigner, de même que notre cœur, à ne plus chercher autour de nous de chimériques appuis, à ne plus inventer d'alliés dans le ciel, mais, plutôt, à recourir à nos propres efforts, ici-bas, pour faire de ce monde un lieu où il vaille la peine de vivre, non l'enfer en quoi Font converti les Églises de tous les siècles.

 

CE QUE NOUS DEVONS FAIRE

 

Nous voulons nous tenir debout, sur nos jambes, sans béquilles, et regarder l'univers bien en face, voir ce qu'il a de bon et ce qu’il a de mauvais, contempler ses beautés et ses laideurs. Regardez le monde tel qu'il est et n'en ayez pas peur. Conquérez-le par l'intelligence. Ne vous laissez pas, comme des esclaves, dompter par la terreur qu'il peut susciter. L'idée de Dieu, avec tous les concepts qui en découlent, nous vient des antiques despotismes orientaux. C'est une idée absolument indigne d'hommes libres. La vue de gens qui, dans une église, s'avilissent en déclarant qu'ils sont de misérables pécheurs et en tenant d'autres propos analogues, ce spectacle est tout à fait méprisable. Leur attitude n'est pas digne d'êtres qui se respectent. Nous devons nous tenir debout et regarder l'univers franchement en face. Nous devons tirer de notre monde le meilleur parti possible et si le résultat n'est pas aussi bon que nous le désirerions, après tout il sera encore meilleur que ce que les chrétiens ont fait de ce monde à toutes les époques, y compris l'actuelle. Un monde aimable, un monde humain nécessite le savoir, la bonté et le courage ; il ne nécessite nullement le culte et le regret des temps abolis, ni l'enchaînement de la libre intelligence à des paroles proférées il y a des siècles par des ignorants. Il nécessite une vision hardie et une intelligence libre. Il nécessite l'espoir dans le futur et de ne pas se retourner constamment vers un passé périmé et qui, j'en ai la conviction, sera de beaucoup surpassé par l'avenir que notre intelligence peut créer.

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S
Bonsoir<br /> Peut-être n'avez-vous pas lu la Bible et vous n'avez pris que certains passages ? Voici une phrase bien connu qui dit que prendre des versets hors contexte ne sont que des prétextes.Mais si vous avez pris le temps de lire la Bible, alors vous n'avez pas compris son enseignement, on peut le constater dans les explications des versets choisis que donne Bertrand Russell dans sa conférence. Lisez ou relisez la Bible, vous verrez elle s'explique par elle-même, Cherchez les réponses à vos questions , elles y sont dedans. Chercher en profondeur, écoutez les opinions des autres mais avant d'y adhérer faites vos propres recherches; évidemment cela demande du travail beaucoup de travail...mais celui qui veut savoir s'en donne la peine parce que cela en vaut la peine.Pour avoir une opinion il faut d'abord bien connaître le sujet. Et lorsqu'il s'agit de Dieu alors pourquoi ne pas commencer par la Bible après tout c'est le seul documents qui renferme les livres inspirés de Dieu selon les chrétiens ! Pour plus de compréhension de la Bible je met ici des liens qui pourrait aider, les écouter (si vous le souhaitez) en faisant soi-même ses propres recherches mais ils donnent des directions... Si vous n'ouvrez pas la porte pour voir ce qu'il y a derrière, alors comment pouvez-vous décrire ce qu'il y a de l'autre côté ?                                                                                                                                  https://www.youtube.com/watch?<br /> https://www.youtube.com/channel/UCKgVDz8801RzNi4ro1iHgLQ/playlistsv=juu_jPp9t3U&list=PLF6LBOmR6Ns7FTcAWcIHKXXLuprbFVyQJ&index=1                 https://www.youtube.com/channel/UCWdrck9yKzSkvs2SJpamTPQ/playlists               <br /> https://www.youtube.com/watch?v=0MitZjSajdk&list=PL1_IMrG0Y693iVdmOnJ8buvqz-5agd6Op              <br /> Si vous n'avez pas, vous-même, étudié la Bible alors vous ne pouvez pas avoir votre opinion mais celle d'un autre, dans ce cas vous ne pouvez pas en parler. <br /> Encore une fois :  Si vous n'ouvrez pas la porte pour voir ce qu'il y a derrière, alors comment pouvez-vous décrire ce qu'il y a de l'autre côté ?<br /> https://www.francetvinfo.fr/culture/video-qu-est-ce-que-l-ultracrepidarianisme_4093459.html
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C
Cet article est plein d'enseignements dignes de reception. Cependant, on peut en certains points exprimer son désaccord.
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V
Certes, on peut exprimer son désaccord. Mais quel est ce désaccord?